Le Petit Laboratoire

12 mois, 12 photos : 2022 en images

Tous les ans depuis 2011, je fais mon bilan de l’année, en choisissant une photo par mois. J’obtiens à peu près toujours un résultat très emblématique de ce qui s’est passé.

Cette année, au tout début de 2023, pour la première fois j’ai hésité à briser la tradition. L’impression de n’avoir rien de satisfaisant à raconter, peu de grands élans en 2022, et surtout beaucoup de chutes (au sens figuré, mais aussi carrément au sens propre). J’ai souvent posé mon appareil photo, le temps de reprendre ma respiration et de faire taire les vertiges.

Mais je me dis que ça fait partie du jeu, peut-être. 2022 a été une année de convalescences, mais aussi de guérisons multiples, toujours en cours, toujours à recommencer. Celle du burn-out survenu en 2021 d’abord. J’ai découvert qu’il ne suffisait pas de vouloir pour que tout soit réparé. Et puis, comme autant de ricochets, tous les micro-séismes provoqués par ce mal invisible, dont je n’ai pu tester la cicatrisation qu’en tirant sur la suture fragile. Parfois, la plaie s’est rouverte.

Voilà, c’est tout ça que je vais vous raconter. Et les photos au smartphone remplaceront les photos au reflex, pour les moments de respiration.

Les récapitulatifs des années précédentes :

2011

2012

2013

2014

2015

2016

– 2017

– 2018

– 2019

– 2020

– 2021

Janvier : L’année 2022 a commencé de façon inattendue, et très enthousiasmante, puisqu’un client m’a envoyé travailler à Malte. J’en ai profité pour explorer, appareil photo en main, de musée vide en ruelle médiévale… J’ai pique-niqué sur des bancs, traîné au bord de fleuves et erré dans des catacombes. Je me suis souvenu d’à quel point j’aimais découvrir des lieux, les sonder de mon regard, y faire naître des tonnes d’histoires… Prendre le temps. M’émerveiller. Me perdre. Moi qui ne crois pas aux départs des premiers janvier, j’y ai vu comme une promesse de presque-retour-à-la-normale. D’horizon rouvert. D’élan, enfin.

Février : Dans le froid parisien, je me terre chez moi pour corriger mon roman. Jour après jour, je me confronte aux mots mal choisis, à mon insatisfaction chronique… Mais aussi, parfois, à la surprise et à l’émerveillement. Côté photo, je travaille peu, voire pas : je sens bien qu’il y a des batteries à recharger. Je profite néanmoins du passage de Blaise à Paris pour l’immortaliser au studio. La formidable Eléonore Mixay répond présente pour le maquillage et la coiffure. A un moment où je me sens bloquée, où la bonne photo ne vient pas, ce geste naît de nulle part : arracher le papier qui sert de fond photo, le chiffonner comme je chiffonne rageusement les pages de mon roman qui résistent encore. Blaise s’en drape, et une reine éclot.

Mars : Les commandes photos reprennent doucement, les corrections du roman continuent. Je shoote le Pop Women Festival, y fait des rencontres et des images qui m’enthousiasment. Mais pour ce bilan, je choisis de retenir cette séance incroyable au studio Calembour. Elise Fanette nous a commandé, à Eléonore Mixay et à moi, des images kitsch et fleuries pour la sortie de son EP. Assistée par Anissa Omri, je décline 4 saisons tout au long de la journée. Dans le studio, on trie les fleurs par couleur, on utilise des stratagèmes dignes de McGyver pour bricoler des installations complètement épiques… Mais surtout, on rit beaucoup. Du mois de mars, je garde la sororité et la créativité.

Avril : J’ai toujours aimé le mois d’avril et le retour à la vie qu’il représente. La douceur des jours et des bières en terrasse, les séances où on peut enfin s’attarder en extérieur… Les périples d’une ville à l’autre, selon la valse des commandes. Avec mon amoureux et sa fille, on pose nos valises à Bordeaux chez l’ami Alfred. On déambule ensemble dans les rues, on traîne chez les antiquaires, on s’émerveille devant les plantes qui dégoulinent des façades… C’est évident, et c’est bien. J’en profite pour tirer le portrait à Alfred, ça faisait longtemps que j’attendais de pouvoir le faire dans un cadre plus intime, moins corporate. Chaque image est enrichie des confidences et des rires des jours précédents. Ce que j’y lis me touche, infiniment.

Mai : Je commence à apercevoir l’été qui arrive et, avec lui, la reprise d’un rythme de travail effréné. Je freine des quatre fers, je sais quelles plumes j’y ai laissées l’année passée. Mais au milieu de l’appréhension, il y a cette commande de dernière minute : un portrait de ma grand-mère pour illustrer un article d’Henri Rouillier pour le Nouvel Obs. Une parenthèse de douceur, qui me rappelle qu’un travail-passion, c’est une chance avant d’être un piège.
Juin : Dès le début du mois, c’est la course absolue. J’ai terminé mai et commencé juin chaque matin dans une ville différente, avec parfois des reportages de plus de 12h, qui s’enchaînent les uns après les autres. Pas de repos. Je travaille dans le train, dans des chambres d’hôtel… Et surtout dans ma tête, beaucoup. Parmi toutes ces commandes, il y a deux jours dans une écurie à côté de Reims, où je découvre avec une fascination inattendue l’équicoaching. Je suis émue par ce que les corps, les visages et les façons de communiquer racontent, bien sûr. Mais émerveillée encore davantage par la chaleur des chevaux, par leurs grands cils qui balaient leurs iris mouillés… Je ne me lasse pas de les regarder et d’essayer de rendre à l’image leur beauté sculpturale. J’essaie d’apprendre d’eux pour ralentir le rythme, d’être plus à l’écoute… Malheureusement, ça arrive un peu tard. Trois jours après, j’ai le bras dans le plâtre. L’épuisement a eu raison de ma vigilance : une bête chute, un vilain craquement, et maintenant il faut annuler toutes les commandes à venir. Le reste du mois se passe ainsi : au repos forcé, à gober des antalgiques, et à regretter de ne pas avoir su doser mon effort.

Juillet : Juillet a été le mois du bras dans le plâtre, encore, mais aussi de mon premier covid (= pas une partie de plaisir). Mais ça a aussi été le mois du déplâtrage, et surtout le mois du mariage de Pénélope et Ben, dans l’incroyable château de Rosa Bonheur. J’ai été assistée par mon amie Rebecca Vaughan-Cosquéric, et c’était… parfait. Je me suis rarement sentie aussi à ma place, autant en harmonie avec ce que je photographiais, comment je le photographiais, et dans quelles conditions. C’était simple, évident, magique… Et beau, évidemment.

Août : Avec mon nouveau poignet tout maigrelet, je découvre la rééducation, cherche les moyens de recommencer à shooter sans souffrir ou sans faiblir. J’essaie de tirer les leçons de mon aventure. Je m’écoute, je traîne au soleil quand je peux. J’ouvre des livres. Et ma vie de photographe recommence tout doucement.

Septembre : [cette photo a été prise avec mon téléphone, puisque j’ai décidé de me ménager un peu côté boulot :)] Je commence le mois avec des avalanches de mails : le traditionnel retour de vacances des clients, et tous les dossiers à (r)ouvrir. Après le redémarrage en douceur de la fin juillet, j’appréhende à nouveau. Mon agenda se remplit. Voyant qu’il me reste encore une poignée de jours avant la reprise du marathon, je rejoins sur un coup de tête mon amie Audrey, en vacances à Dieppe. On explore ensemble, et c’est la meilleure des parenthèses, comme si on avait triché pour prolonger un peu l’été.

Octobre : La tendance entrevue en septembre se confirme : c’est la course. Mais je m’en sens capable, je sais que ce sont les derniers moments de rush avant le début de l’hiver, et ils sont remplis de rencontres. Je décide de faire encore un peu confiance à mes anticorps et d’être un peu plus légère face au risque de covid. Pour la première fois depuis le début de la pandémie, je profite pleinement d’un festival, à savoir Quai des Bulles à St Malo. Et surtout, je partage ces quelques jours avec l’autrice Yudori, venue tout spécialement de Corée pour l’occasion. J’ai traduit (de l’anglais) son roman graphique Le Ciel pour Conquête, qui arrive en librairie à ce moment-là. C’est émouvant de rencontrer enfin quelqu’un que j’ai tant devinée à travers son trait et à travers ses mots, dont j’ai essayé de rendre la pensée le plus fidèlement possible au fil des pages… Sur la plage du sillon, le soleil s’en fout que ce soit déjà l’automne. Et moi je revis un peu d’été.

Novembre : [cette photo a été prise avec mon téléphone, puisque j’ai décidé de me ménager un peu côté boulot :)] Je crois que ça va devenir une tradition : avec mon amoureux, on passe le mois à Lanzarote. Je m’abreuve de soleil et de livres. Je me sens forte, en forme pour la première fois vraiment depuis ma fracture du mois de juin. Tous les jours, j’entre dans l’océan pour rencontrer de nouveaux poissons. On croise la route de seiches en goguettes, d’aiguillettes scintillantes, et même d’une raie géante. (ok, pas géante, mais dans mes critères à moi, si). En un mot : parfait.

Décembre : Le choc thermique du retour à Paris est dur. Après le soleil de Lanzarote, il faut affronter les températures négatives de Paris. Et surtout, pas le temps de chômer : mon appareil photo à la main, j’enchaîne les évènements de fin d’année. Des centaines et des centaines de personnes en train de faire la fête, et moi au milieu, avec mon masque FFP2. Je me sens comme une astronaute à la plage. Malgré ça, j’attrape quand même le covid une seconde fois, juste à temps pour Noël. Je passe le réveillon seule chez moi, à manger des trucs gras sous un plaid. Le jour où mon autotest est négatif, j’attrape la grippe. Je termine 2022 et commence 2023 par une dizaine de jours alitée. Et j’ai beau ne pas croire que la nouvelle année efface l’ardoise de la précédente, je ne suis pas mécontente de me débarrasser de 2022.

Étrangement, je termine ce bilan (entre deux quintes de toux) moins cafardeuse que je l’avais commencé. Parce que même si je ne suis pas encore guérie, même si [1 fracture + 2 covids + 1 grippe] c’est trop pour une seule année, je me rends compte que je choisis de garder le beau. Et que la photographie est un bon moyen de le faire.

Je me dis aussi qu’il est peut-être temps de changer les règles que je me suis fixées pour ces bilans annuels. Peut-être qu’il faut que j’apporte de la souplesse, que je m’autorise à publier plus souvent des photos au téléphone pour mieux différencier ma vie perso de ma vie professionnelle. Quand j’ai commencé les « 12 mois 12 photos », j’étais déjà photographe pro depuis 3 ans, mais j’avais bien moins de travail qu’aujourd’hui, et bien plus besoin d’explorer le medium à travers des séances « pour moi ». Maintenant, j’ai rarement mon reflex en dehors du travail. Mais j’aime toujours autant capturer le monde avec mon téléphone. Peut-être que si je me l’autorise, il y aura un nouvel élan dans mes bilans… Et pourquoi pas, plus de posts de blog ?

En attendant, très belle année 2023 à tou•te•s. Et de l’émerveillement, encore et encore.

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Cette entrée a été publiée le 1 janvier 2023 à 9:37 . Elle est classée dans "Digression / - Gression !", Commandes, Dans la rue, Expérimentations techniques, Fonds de tiroir, Les feux de la rampe, Mariages, Portraits, Sur les routes et taguée , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , . Bookmarquez ce permalien. Suivre les commentaires de cet article par RSS.

Une réflexion sur “12 mois, 12 photos : 2022 en images

  1. C’est un oui pour plus de posts de blogs ! Bravo pour ce récap ☺️

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